Dialogue avec mon ombre

Fragments d’ombre, de puissance, et de renaissance bien ordinaire!

Femme debout, encore un peu écorchée, mais vivante.
J’écris pour apprivoiser mon ombre et pour donner voix à ce qui renaît, lentement.
Derrière chaque mot, il y a une main tendue — vers soi, vers les autres, vers le possible.

  • Arrêtez de me demander si je manque de sexe.

    Après huit ans en solo, j’ai appris deux choses :

    1. la solitude n’est pas un problème,
    2. mais les réseaux de rencontres, eux, en sont un solide.

    Sérieusement : huit ans.
    Huit ans à voir défiler les mêmes phrases recyclées d’un profil à l’autre.
    Les mêmes questions mécaniques.
    Les mêmes « approches » qui ressemblent plus à des diagnostics qu’à de vraies conversations.

    Je pouvais presque y croire au début. Mais aujourd’hui? J’ai l’impression de recevoir des messages sortis d’un vieux manuel d’éducation sexuelle publié en 1983. Toujours les mêmes questions obsessionnelles, comme si mon état civil révélait automatiquement une urgence physiologique.

    Et la plus populaire… celle qui revient comme un pop-up douteux qui revient chaque fois qu’on pense l’avoir fermé: « Mais… tu dois manquer de sexe après tout ce temps? »

     « Non, Gérard.
    Je ne manque pas de sexe.
    Je manque de conversations intelligentes. »
    Et visiblement, ce n’est pas sur Tinder, Facebook Rencontre ou Bumble que l’humanité a décidé de se dépasser. »

    Le plus ironique? On me parle comme si être en solo signifiait vivre dans un désert émotionnel, alors que bien des hommes qui posent ces questions cherchent surtout quelqu’un pour remplir un vide qu’ils n’ont jamais regardé en face. Ils ne recherchent pas une relation : ils recherchent une béquille.

    Gérard, sache que  « Je ne suis pas un accessoire thérapeutique.
    Je ne suis pas là pour boucher les trous existentiels de qui que ce soit.
    Et ma vie solo (celle qui inquiète tant) n’a rien d’un naufrage.
    Elle est solide, pleine, alignée. »

    Alors oui : voici mon manifeste.
    Mon rappel.
    Mon petit coup de pelle sympathique, juste assez sonore pour réveiller le monde.


    « Maintenant que ça, c’est dit, passons aux vraies affaires.« 

    On me demande souvent : « Ben voyons que t’as pas présenté PERSONNE à ta famille depuis 8 ans?». Comme si ma vie intime était un dossier X-Files et que ma solitude devait nécessairement contenir un cadavre ou, au minimum, une mauvaise décision.

    Grande nouvelle:
    Je suis très vivante!
    Et ma solitude aussi.

    Petite, je pouvais passer des heures à parler aux oiseaux, feuilleter un livre ou simplement exister sans supervision humaine. Déjà là, j’avais compris un truc que beaucoup d’adultes n’ont toujours pas saisi : la solitude n’est pas une absence, c’est un espace.

    Un espace où je respire, où j’observe, où je me retrouve. Les sociologues appellent ça une solitude élective, un retrait fertile qui nourrit plutôt qu’il n’assèche. Rien à voir avec l’isolement dramatique dans lequel certains voudraient me classer parce que je n’ai pas un conjoint à brandir comme carte d’identité sociale.

    Parce que visiblement, en 2025, il faut encore rappeler ceci : On peut être en couple et se sentir terriblement seule. Je le sais. J’ai vécu la version premium. Le duo qui ressemble plus à une cage décorée qu’à un partenariat. La solitude qui s’invite dans les soupers de famille, dans les vacances trop remplies, dans les soirées où on s’ennuie… même à deux.

    Alors oui : aujourd’hui, je vis seule.
    Et non : ce n’est pas un drame national.
    C’est un choix. Un alignement. Parfois même un luxe.

    Je ne remplis plus mes fins de semaine pour prouver que j’ai une vie.
    Je ne remplis plus ma maison pour prouver que je suis aimée.
    Je ne remplis plus mon lit pour prouver que je suis désirée.

    Ma vie solo, ce n’est pas une révolte contre l’amour. C’est une résistance contre les attentes qui font de la présence un devoir et de la solitude un diagnostic.

    Un jour, j’aimerai peut-être à nouveau.
    Mais pas au prix de mon espace.
    Pas au prix de ma respiration.
    Pas au prix de la paix intérieure que j’ai mis des années à reconquérir.

    Je veux aimer quelqu’un qui comprend que la solitude n’est pas une menace, mais un territoire qu’on cultive… même quand on est deux. Quelqu’un qui sait entrer doucement dans mon silence et y trouver sa propre place, sans coloniser le reste.

    En attendant, je ne suis pas seule.
    Je suis EN SOLO.
    Et ce n’est pas la même chose.

    C’est même, franchement, beaucoup mieux qu’être seule, non?

    Mise en garde

    Aucun Gérard n’a été maltraité durant l’écriture de ce texte.
    D’ailleurs, je ne connais aucun Gérard.
    Il s’agit d’un nom fictif, totalement choisi au hasard.
    Si jamais un vrai Gérard se sent visé… promis, ce n’est pas toi!
    … mais avoue que ça aurait pu, hein?

    « Ma solitude ne me pèse pas. Vos attentes, oui. »

  • Chez Nous

    Il y a des semaines où l’on sent le sol bouger sous nos pas.
    Où l’on comprend que le changement, ce n’est pas seulement une idée : c’est une secousse.
    On m’a engagée pour ma soif de justice, pour ma volonté de faire différemment, pour ma confiance envers le peuple. Et ce peuple, aujourd’hui, répond présent : avec ses bras, ses idées, ses rêves.
    Mais voilà. Quand on rend le pouvoir à ceux qu’on n’attendait plus, certains s’inquiètent de perdre leur place dans la lumière.
    J’apprends à écouter, même quand on me demande de me taire. À marcher droit, même quand la route s’amincit. À croire que le silence ne doit jamais devenir notre langue commune.


    Il paraît que les civilisations ne meurent pas d’un seul coup. Elles s’épuisent d’abord à ne plus s’entendre. Elles se fissurent sous le poids des certitudes, et finissent par confondre le bruit des égos
    avec la voix du peuple.

    Jared Diamond, biogéographe et penseur de l’effondrement, rappelle que les civilisations ne disparaissent pas seulement à cause de la nature, mais parce qu’elles oublient d’écouter ce qui les relie. Il naît de cinq fractures : le sol qu’on épuise, le climat qu’on nie, les voisins qu’on ignore, les marchés qu’on subit, et les réponses qu’on apporte (ou pas) à tout cela. Mais il ajoutait surtout une chose : l’histoire n’est pas un piège, c’est un miroir.

    Et si, au Québec, ce miroir nous montrait autre chose que nos divisions ?
    On s’épuise à débattre sans s’écouter,
    à légiférer sans consulter,
    à défendre la langue, la forêt ou l’école
    comme s’il fallait choisir entre elles.
    À force de chercher ce qui nous sépare,
    on oublie ce qui nous tisse :
    un désir têtu d’être debout, ensemble.

    La controverse n’est pas l’ennemie. C’est la preuve qu’on tient encore à quelque chose. Mais il faut réapprendre à se parler autrement. Pas pour convaincre, pas pour tirer l’avantage du coin précieux et confortable de « sa couverte »… mais pour comprendre ce que l’autre porte de vrai.

    Les enseignants qui réclament du temps, les infirmières qui réclament du souffle, les communautés autochtones qui réclament du respect, les nouveaux arrivants qui réclament de l’espace pour apprendre le français. Tous disent la même chose : on veut appartenir à un Québec qui prend soin.

    Nous ne manquons pas d’intelligence.
    Nous manquons de liens.
    Nos réformes s’écrivent au singulier,
    alors que le vivre-ensemble s’invente au pluriel.
    Protéger la langue sans fermer les portes.
    Réformer sans casser les dos.
    Produire sans détruire.
    Soigner sans compter.
    Enseigner sans s’éteindre.
    C’est possible.
    Seulement si on accepte que le pouvoir ne réside pas dans la vitesse, mais dans la lenteur partagée des décisions justes, en écoutant les besoins des premiers concernés.

    Certaines sociétés se sont redressées parce qu’elles ont su écouter leurs racines. Parce qu’elles ont compris que le futur n’appartient pas aux plus forts, mais aux plus solidaires. Nous avons, nous aussi, cette chance-là :
    celle de ralentir avant de tomber,
    celle de bâtir avant de fuir,
    celle de choisir le nous avant qu’il soit trop tard.

    Alors, oui, tout semble fragile.
    Fragile ne veut pas dire perdu.
    Cela veut dire : encore vivant.
    Et tant qu’il y a du vivant,
    il y a du possible.


    Et moi, je veux y croire encore.
    Je veux croire à un Québec qui débat sans détruire.

    En laissant chaque voix porter sa couleur, sans exiger qu’elle s’efface pour entrer dans le chœur. À un milieu qui reconnaît la force des sentiers qui ne se laissent pas dicter par les formules convenues. Surtout celles qu’on sert pour éviter de nommer ce qui dérange.

    À un milieu qui croit en la puissance de celles et ceux qui forgent ce que nous sommes. Je crois qu’on peut transformer les reproches en dialogue, et le doute en levier. Je ne m’excuserai pas d’être trop vivante. Parce que ce que j’attends de l’avenir, ce n’est pas qu’il m’apaise. C’est qu’il m’écoute: comme on écoute une société qui refuse de s’effondrer.

    « Debout, même quand on me préfère silencieuse. »

  • Les reines sans couronne

    Il y avait cette friperie, quelque part à Duberger–Les Saules.
    Un endroit qui sentait la laine propre, la douce poussière, et les vies qui recommencent.
    Des femmes s’y rassemblaient, sans costume ni titre.
    Juste des cœurs solides et des mains qui réparent.

    Elles s’appelaient Lyne, Madame CN, Monsieur et Madame T, et Hélène.
    Quatre femmes, puis dix, puis quinze.
    Des femmes de partout, de nulle part, venues avec leur histoire et leurs cicatrices.
    Elles ne faisaient pas du bénévolat : elles reconstruisaient des mondes.

    Parce qu’il y a une différence entre donner de son temps
    et donner de soi pour transformer une communauté.
    Certaines trient des vêtements. D’autres tissent du lien social.
    Certaines rangent les cintres. D’autres rallument la dignité dans les yeux de quelqu’un.

    C’est ça, l’engagement citoyen :
    ce courage tranquille de croire qu’on peut, ensemble, changer un bout de réalité.

    Il y a déjà un peu plus de 10 ans, on m’a demandé de “rentabiliser la friperie”.
    Quatre femmes la tenaient à bout de bras, à coup de chemisiers à deux dollars
    et de foi en la bonté humaine.
    Elles n’avaient pas de budget, pas de formation en gestion —
    mais elles avaient un instinct : celui de ne pas abandonner.

    Madame CN, la gardienne du tri, aimait les choses bien pliées, bien rangées,
    comme si chaque chandail redonné au monde devait être un pardon.
    Madame T et son mari, deux amants de 80 ans,
    étaient petits de taille, mais leur amour inconditionnel les rendait immenses,
    comme des phares dans la tempête.
    Lyne, elle, buvait son café Maxwell House au lait à la vanille
    et riait comme on allume une lumière dans une maison trop sombre.

    Et puis il y avait Hélène.
    Forte. Franche. Incassable.

    On s’est cognées, d’abord — deux volcans qui s’évaluent.
    Puis, un jour, elle m’a dit d’une voix calme :
    « On dirait que tu veux fuir quelque chose. »

    J’ai figé.
    Parce que c’était vrai.
    Je gardais des draps, des couverts, des lampes…
    Je ramassais, sans trop savoir quoi —
    comme si j’empilais du courage pour partir.

    Ce jour-là, j’ai pleuré.
    Pour la première fois depuis trop longtemps.
    Et dans son regard, il n’y avait pas de pitié.
    Seulement la reconnaissance de ma douleur.

    La solidarité, je l’ai apprise là — entre deux bacs de vêtements.
    Dans la tendresse rugueuse de ces femmes
    qui ont fait plus pour leur quartier qu’elles ne l’imagineront jamais.
    Elles m’ont appris que la solidarité, ce n’est pas un mot d’organisme,
    ni une case dans un organigramme.
    C’est une main qui ne lâche pas, même quand tu n’as plus de force.

    Aujourd’hui, certaines sont parties.
    D’autres y sont encore.
    Mais leur trace est partout :
    dans les gestes simples, dans la façon de dire « viens, assieds-toi »,
    dans cette certitude qu’entre femmes, on peut se relever autrement.

    Elles étaient les reines sans couronne.
    Elles ne portaient pas d’or,
    mais sans elles, tout s’écroulait.

    Et moi, sans elles, je n’aurais peut-être jamais trouvé le courage de me tenir debout.


    Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’intimité et le respect de celles qui ont inspiré ce texte, à l’exception d’Hélène et de Lyne, pour qui j’ai une affection toute particulière.
    Hélène, merci pour cette épaule sur laquelle j’ai pu compter.


    Entre femmes, on ne sauve pas le monde . On se sauve les unes les autres.

  • L’épineuse de ma vie

    Ma fille.
    Ma douce épineuse.

    Celle qui a vu flou avant de voir clair.

    Née avec un petit trouble de la vision, elle a appris très jeune que le regard ne sert pas qu’à voir, mais aussi à ressentir.

    Je lui disais qu’après l’opération, elle verrait à travers les murs comme une superhéroïne.
    Elle m’a crue. Elle me dit qu’elle attend encore cette révélation !

    Ce qu’elle ne sait pas, c’est que j’avais raison.
    Elle voit ce que bien des adultes refusent encore de regarder : la différence, la fragilité, la beauté du monde quand il se fissure un peu.

    Ce petit défaut de manufacture a réveillé en elle un sens de la bienveillance et une soif de justice rares pour son âge.
    Petite, elle s’entourait d’ami·es qui doutaient d’eux-mêmes.
    Elle les aidait à se trouver beaux.
    Souvent, elle s’épuisait à rallumer leurs lumières pendant qu’ils éteignaient la sienne.

    Mais quand elle décidait que c’était assez, elle savait le dire : calmement, sans colère, avec respect… et sans jamais revenir en arrière.
    Sa façon de tracer ses limites est une leçon de vie à elle seule.

    Ma Rose s’est longtemps protégée derrière une carapace.
    Vous savez… quand on aime, on tente trop souvent d’accepter l’inacceptable.
    Peut-être que, malgré moi, je lui ai laissé ce legs générationnel.

    Elle a accueilli longtemps son lot de maladresses — celles qui piquent sans faire exprès, celles qui laissent des traces parce qu’on ne s’excuse jamais vraiment.
    Des attentes suspendues. Des promesses lancées trop vite.
    Et la déception de comprendre, à force d’espérer, que certaines choses n’arriveraient tout simplement pas.

    Alors, un jour, elle a lâché prise.
    Elle a cessé de tendre la main.
    Elle a choisi de rebâtir une relation avec celui qu’elle aimera toujours : autrement, sans rancune, sans attente, mais avec lucidité et respect.

    Aujourd’hui, elle met ses limites.
    Elle ne cherche plus à lui plaire, ni à se justifier.
    Le temps qu’elle lui offre, c’est pour le vivre pleinement, simplement.

    Je la regarde faire, et j’apprends.
    Parce qu’à force de la voir se respecter, moi aussi j’ai fini par le faire.

    Ma douce épineuse s’aime assez pour mettre ses limites.
    C’est si inspirant.
    Elle avance avec une clarté qui me sidère.
    Si elle en est capable du haut de ses 16 ans, je peux bien le faire, moi aussi.

    Je ne prétends pas avoir toujours bien fait.
    Les dix-sept dernières années, j’ai choisi ma famille avant tout.
    J’ai souvent placé mes propres besoins en veilleuse, croyant que c’était ça, aimer.

    Mais aujourd’hui, j’assume enfin le rôle principal dans ma propre histoire.
    J’accepte le personnage que mes enfants me prêtent : celui d’un rocher stable et immuable face aux tempêtes.
    J’accepte. Sans discriminer le passé, pour l’honorer autrement.

    J’ai cessé de modeler ma vie autour du désordre d’un autre, simplement pour épargner mes enfants de son chaos.
    Et si certain·es y voient de la jalousie ou de la mauvaise foi, qu’ils sachent à quel point tout cela m’indiffère désormais.

    La plus belle liberté, c’est celle qu’on s’autorise à incarner.
    La mienne ne fait pas de vagues : elle s’installe tranquillement.
    Elle me réconcilie avec ce que j’ai été, et me rapproche de celle que je deviens.

    Je le dois en partie à elle, l’épineuse de ma vie.
    Celle qui m’a appris qu’on a le droit de dire “Fuck OFF” sans haine, juste pour se choisir.

    Elle pose ses mots sur du papier, comme d’autres dégainent leurs superpouvoirs.
    L’écriture est, pour elle, une façon de remettre de la lumière là où ça craque.
    Ses mots sont puissants.
    Ils touchent, ils remuent, ils la font grandir.

    Et je sais qu’ils l’emmèneront loin.
    Parce que les petites victoires d’aujourd’hui sont souvent les plus grandes promesses de demain.

    Fierté × 1000.
    Si la pomme ne tombe pas loin de l’arbre…
    dans son cas, elle a décidé de pousser sa propre forêt.

    « On ne naît pas épineuse (sauf elle) on le devient. »

  • Les fondations de la maison d’en bas

    Quand je suis partie, je ne voulais pas fuir.
    Je voulais recommencer.
    Trouver un espace clair, un endroit où mes enfants et moi pourrions respirer; être NOUS.

    Jamais je n’aurais cru que tout repartir serait si ardu.
    Les loyers étaient trop chers pour une mère seule qui avait tout mis sur pause pour qu’un autre avance.
    Un 5 ½ à 1 700 $, c’était le prix d’un nouveau départ. Trop élevé pour la liberté.

    J’avais troqué mes études pour sa carrière.
    Et quand tout s’est effondré, je n’avais plus que mes mains vides et deux paires d’yeux qui cherchaient en moi la solidité du monde.

    Je fonctionnais sans être fonctionnelle. Trop bien, même.
    Tellement bien que tout le monde croyait que je n’avais pas besoin d’aide.
    On croit souvent que la dépression s’annonce en larmes, de mon côté elle s’est installée dans le calme.

    Un calme pesant, trop lisse, où le corps, fatigué d’endurer, commence à parler, des cris silencieux que personne ne comprend… pas même moi.

    C’est la vie qui m’a ramenée là où tout avait commencé.
    Sous le même toit, mais autrement.
    Pas comme une enfant qu’on recueille,
    plutôt comme une femme qu’on relève.

    Le hasard a pris la forme d’une maison en rénovation,
    et d’un « pourquoi pas » devenu promesse silencieuse.

    Depuis, la lumière remonte du sous-sol vers le cœur de la maison.
    Trois générations apprennent à y trouver leur place :
    eux, les racines ;
    moi, la tige qui repousse ;
    et mes enfants, les bourgeons qui cherchent à exploser!

    Ce n’est pas toujours simple, mais c’est plein de vie.
    Imparfaitement parfait. À l’image de l’éducation « pas pareille » que j’ai reçue.

    Ce sous-sol est devenu bien plus qu’un refuge.
    C’est une parcelle de patrimoine partagée,
    un héritage de confiance et de solidarité.
    En devenant copropriétaires, nous avons tissé un lien nouveau :
    eux m’ont offert une chance d’avancer,
    et moi, la certitude que leurs racines serviraient à faire pousser d’autres vies.

    Les mots circulent, les rires cognent aux planchers,
    et parfois, c’est moi qui dois retrouver un peu de silence.
    Jamais mes parents n’ont tenté de combler un manque.
    Mais la figure bienveillante de mon père, sa présence et sa folie tranquille,
    ont suffi à combler un espace que je croyais perdu.
    Grâce à eux, mes petits (maintenant grands) sont devenus des humains encore plus magnifiques.

    Et moi, j’ai appris à respirer dans cet équilibre fragile.

    Grâce à la solidarité de mes voisins d’en haut,
    j’ai pu redécouvrir la solitude.
    Cette compagne qu’on regarde souvent avec méfiance,
    comme si être seule voulait dire être incomplète.

    J’ai appris à accueillir celle que j’étais devenue,
    à observer mes mécanismes de défense:
    ces remparts invisibles que j’avais construits pour ne plus souffrir,
    et qui, lentement, se fissuraient sous la lumière.
    J’ai appris à m’écouter, à me réparer, à m’aimer sans témoin.
    Et dans ce silence habité, je me suis enfin vue.

    Elle, la solitude, a préparé le terrain avant toute reconstruction.

    Huit ans plus tard, je commence à peine à baisser les armes
    et à ouvrir la porte de mon nouveau monde.

    Triste réalité, pensez-vous ?
    Pour moi, aucun regret.
    C’était le passage nécessaire vers la liberté.

    Parce qu’avant d’aimer à nouveau, il faut se retrouver soi-même.
    Et avant de bâtir ailleurs, il faut savoir où poser ses fondations intérieures.

    Aujourd’hui, mon sous-sol a grandi.
    Et il est plus lumineux que jamais.
    La lumière monte même jusqu’à mes voisins d’en haut,
    doucement, paisiblement,
    comme une paix qu’aucun de nous n’attendait.

    Chaque femme devrait avoir cette chance :
    un lieu pour se relever, une famille pour l’y aider,
    et le droit d’être seule sans que ce ne soit perçu comme un échec.

    « Au sous-sol, j’ai construit mes fondations.
    Qu’aucune femme n’ait à se rebâtir seule. »

  • Entre la fumée et le souffle- la naissance d’un pacte

    Il y a cinq ans, j’ai écrasé ma dernière cigarette.
    C’était le 26 octobre 2020.
    Je croyais arrêter de fumer, mais en vérité, j’ai recommencé à respirer.

    Ce n’était pas la première fois…

    Pour lui plaire, j’avais déjà arrêté.
    À l’époque où j’étais libre, bruyante, trop vivante peut-être.
    Puis il est arrivé, avec son regard qui voulait tout contenir.

    Il n’aimait pas la fumée. Ni mon feu.
    Ni mes mots trop grands.
    Ni mes rires trop sonores.
    Ni ma façon d’exister sans permission.

    Alors j’ai rapetissé.
    Par amour, croyais-je.
    Par peur, surtout.
    J’ai effacé les bords de moi pour qu’il n’y reste que ce qu’il voulait voir :
    une femme sage, disponible, docile.

    Et parfois, quand j’étais hors de son angle mort, je fumais en cachette.
    Je m’empressais de boire et de fumer, comme pour me rappeler que celle que j’étais — la vraie — n’avait pas totalement disparu, brûlée avec le feu du mensonge.

    Quand notre ombre s’éloigne, il ne reste que le vide — celui d’une présence qu’on ne savait pas aimer.

    J’ai vécu longtemps dans cette illusion tranquille,
    sous la lumière crue de l’apparence.
    J’étais forte, efficace, aimée des autres,
    mais absente de moi-même.

    Un jour, ma famille a vu la faille.
    Le regard inquiet, les bras tendus.
    Le mot est tombé comme une gifle douce :
    “Ça suffit.”

    J’ai demandé le divorce.
    Et Benson & Hedges, fidèles complices, ont refait surface.
    Un peu pour le narguer, sans doute.
    Mais surtout pour me rappeler que ma vie m’appartient.
    Et que j’ai le droit de faire mes choix — bons ou mauvais.

    La liberté s’est approchée,
    timide comme un animal blessé.
    Il m’a fallu du temps, beaucoup de temps, pour l’apprivoiser,
    pour lui redonner le droit d’entrer dans ma maison.

    Aujourd’hui, cinq ans après ma dernière cigarette,
    je peux le dire : je respire pour vrai.

    Peut-être que la femme que j’ai été s’est éteinte avec la cendre du passé.
    Mais celle que je suis devenue, j’ai appris à l’aimer, à en être fière!

    Entre la fumée et le souffle, j’ai scellé un pacte avec mon ombre.
    Celui de ne plus fuir mes excès, mais d’en faire des forces.
    D’inspirer les autres, d’expirer ma rage, et d’avancer dans la sobriété— entière, fidèle à moi-même.

    Désormais, lorsque je ferme les yeux, je sens toujours mon ombre à mes côtés — pas derrière, pas devant.

    Juste là, fidèle.

    « Entre la fumée et le souffle, il y a la femme que je suis devenue »

  • Le jour où j’ai recroisé mon ombre.

    Demain, j’écrirai pour la première fois ici.
    Le 26 octobre.
    Une date qui me suit, qui m’habite, qui me relie à la femme que j’étais, à celle que je deviens.

    Il y a cinq ans, j’ai écrasé ma dernière cigarette.
    Je croyais mettre fin à une habitude.
    En vérité, j’ai mis fin à l’oubli de moi.
    Depuis, chaque 26 octobre est un rappel silencieux : celui de me choisir!

    Cette année, j’ai besoin d’un nouveau pacte.
    Un pacte de mouvement, de sueur et de mots.
    Un engagement à me relever encore, à transpirer ma peur et à écrire ma force.
    Entre la détermination et la douceur, là où être guerrière, c’est aussi accepter sa vulnérabilité.
    Guerrière que je suis devenue, je m’avance — prête à franchir ma propre ligne d’arrivée.

    Je veux repousser mes limites.
    Mais pas pour battre quelqu’un.
    Pour battre l’immobilité.
    Pour me rappeler que la force ne se mesure pas à la vitesse,
    mais à la constance d’un cœur qui refuse d’abandonner.

    Et j’ai besoin d’écrire.
    Chaque semaine.
    Des fragments. Des bouts d’ombre et de lumière.
    Des textes qui respirent, qui doutent, qui espèrent.

    Parce que quand on raconte, on relie.
    Quand on partage, on guérit.
    Et dans un monde où tant de femmes se perdent en essayant de tenir debout,
    je veux tendre des mots comme on tend une main.

    Je veux qu’on se rappelle ensemble
    que la puissance n’est pas dans la perfection,
    mais dans le mouvement.
    Celui du corps. Celui du cœur. Celui du collectif.

    J’écrirai pour celles qui étouffent sous la surcharge,
    pour celles qui élèvent seules,
    pour celles qui rêvent d’un moment à elles sans oser le prendre.
    J’écrirai aussi pour les jeunes qui observent,
    pour qu’ils sachent que grandir, c’est d’abord apprendre à se relever.

    Je n’écris pas pour briller.
    J’écris pour respirer.
    Pour que la vie circule.

    Mon ombre sera mon miroir.
    Et peut-être, à travers ces mots,
    elle deviendra aussi un peu la vôtre.

    Le 26 octobre, je ferai un pacte.
    Un pacte pour avancer, écrire, bouger, aimer, respirer.
    Un pacte avec mon ombre.

    « Le 26 octobre, j’ai signé un pacte avec mon ombre : qu’elle m’aime, qu’elle me défie, mais qu’elle reste. »